Dans un monde toujours plus agile et interconnecté et où les technologies prédominent, les soft skills – ou compétences comportementales – deviennent un sujet central dans la mise en place des leviers stratégiques de performance.
Pourquoi sont-elles importantes et en quoi peuvent-elles faire la différence ?
Les métiers techniques ont souvent été associés à des compétences « dures » : maîtrise des outils, rigueur scientifique, connaissances spécialisées. Cette vision, bien qu’encore répandue, est de plus en plus remise en question. Être un excellent technicien ne suffit plus. Il faut aussi savoir travailler en équipe, communiquer clairement, gérer son stress ou encore faire preuve d’adaptabilité.
Les écoles d’ingénieurs, les universités et les entreprises ont compris l’importance de ces compétences « douces ». Ateliers de communication, formations à la gestion du stress, jeux de rôles ou encore mentorat : les initiatives se multiplient pour aider les profils techniques à développer leur intelligence émotionnelle et relationnelle.
Les environnements techniques sont désormais confrontés à des défis complexes :
Projets transverses et internationaux
Méthodes agiles et travail en mode collaboratif
Relation client renforcée
Évolution rapide des technologies
Dans ce contexte, certaines soft skills deviennent incontournables :
Communication : pour expliquer clairement des concepts techniques à des non-spécialistes.
Esprit critique et résolution de problèmes : pour innover face à des contraintes nouvelles.
Empathie et écoute : pour mieux comprendre les besoins utilisateurs ou clients.
Leadership et esprit d’équipe : pour piloter des projets et motiver des équipes pluridisciplinaires.
Les soft skills ne sont pas un simple complément aux compétences techniques : elles en sont aujourd’hui le prolongement stratégique. Dans un monde où la collaboration, l’innovation et l’agilité sont clés, elles constituent un avantage concurrentiel durable. Les métiers techniques, loin de s’y opposer, en deviennent les principaux terrains d’expérimentation.
Levier de mobilité interne
En tant que recruteur, nous connaissons tous la difficulté à recruter les perles rares cochant toutes les cases en termes de compétences techniques, relationnelles et comportementales. D’où l’importance de cultiver les compétences déjà présentes au sein de l’entreprise et favoriser la mobilité interne.
Prenons l’exemple de l’accompagnement des salariés vers du management d’équipe. Ingénieurs, développeurs, techniciens : ces profils techniques sont au cœur de la performance opérationnelle. Mais lorsqu’ils accèdent à des fonctions managériales, un nouveau défi se pose : passer de l’expertise individuelle à la gestion collective. Comment les accompagner dans cette transition ?
Former ses experts techniques au management, c’est :
Valoriser les talents internes
Renforcer la culture d’entreprise par un leadership technique
Éviter la fuite des compétences vers l’extérieur
Créer des managers capables de comprendre les enjeux terrain et les équipes opérationnelles
C’est aussi un facteur clé d’engagement et de performance durable.
Afin d’aller plus loin sur le sujet, nous vous proposons une interview de Jean Istasse par notre practice director et directrice de la région Nord, Victoire Duhem.
Jean Istasse, ancien Directeur Général de l’entité Pluxee du Groupe Sodexo, se joint à nous sur le sujet.
Il a un parcours de 27 ans au sein du groupe et a notamment vécu pendant plusieurs années en Europe de l’Est.
Victoire : Comment avez-vous vu évoluer la place des soft skills dans les métiers techniques au cours de votre carrière ?
Jean: J’ai vu l’environnement technologique se complexifier, ce qui a amené entre autres choses du côté tech une structuration plus fragmentée et spécialisée des équipes, exigeant plus de communication et de coordination au sein des équipes tech. J’ai aussi vu émerger au sein des business tech et digitaux le rôle de product owner et de product manager qui ont établi une nouvelle relation avec les équipes tech, étant très « fact & data based ». Les méthodes de travail pour développer la tech ont beaucoup évolué, avec notamment le déploiement des méthodes agiles / scrum dans la plupart des entreprises, et les rôles qui s’y rattachent.
Les cycles de développement sont devenus plus courts, plus rythmés, demandant une transparence continue, quotidienne sur l’avancement des projets, sur les problèmes rencontrés,…etc. La culture du feedback est beaucoup plus présente qu’auparavant. Toute cette évolution a exigé du côté des soft skills plus de pro-activité, plus de communication, de compétences de coordination entre autres choses. A mon sens, cette évolution a fait que les équipes tech sont beaucoup plus partie preneuses dans les discussions avec le côté business qu’auparavant.
Victoire: Dans quelle mesure les soft skills sont-elles devenues stratégiques pour la performance collective en entreprise ?
Jean: Les business technologiques reposent sur des investissements très importants qui pèsent sur bilans et les résultats des entreprises. Ces investissements doivent être les plus efficaces possibles, sans quoi l’entreprise se retrouvera rapidement en perte de compétitivité sur des marchés toujours très concurrentiels.
C’est ce poids des investissements technologiques qui pour moi doivent déclencher une attention particulière sur les soft skills, pour trouver cette efficacité et la bonne productivité à tous les niveaux.
Victoire: Avez-vous identifié des soft skills en particulier qui font la différence chez les managers issus de filières techniques
Jean: Dans des environnements qui se complexifient aussi bien en externe qu’en interne pour les entreprises, il faut veiller à tout prix à éviter la création de silos dans lesquels les collaborateurs vont non seulement perdre la notion de sens, d’objectif général, d’impact de son travail,.. qui conduira in fine à une sous performance collective.
Pour cela, il faut veiller à développer un management qui va s’attacher à plusieurs points essentiels :
S’assurer d’une collaboration et d’une communication transversales entre les différentes équipes.
Supporter la résolution de problèmes en s’impliquant avec les collaborateurs, faire en sorte que les bonnes discussions avec les bonnes personnes autour d’une table aient bien lieu pour surmonter certaines difficultés ou certaines frictions qui peuvent survenir.
Cela demande un certain courage managérial et pas mal d’empathie.
Victoire: Quels obstacles culturels ou organisationnels peuvent freiner encore la reconnaissance de ces soft skills ?
Jean: Lorsque les environnements se complexifient, le management à parfois tendance à augmenter le niveau de contrôle à tous les échelons de l’entreprise, pour s’assurer du bon suivi de l’exécution des plans, des projets, des performances,…etc.
Évidemment un suivi est complètement justifié mais on peut aussi tomber dans l’excès de reporting, de réunions de suivi, mais qui risque d’être perçu comme un contrôle trop strict et peu productif. Les collaborateurs ont le sentiment de se retrouver à l’intérieur d’un cadre trop contraignant qui va inhiber les équipes dans leur potentiel d’expression et d’initiative.
Le management doit trouver le bon équilibre, en commençant par montrer l’exemple (walk the talk), en laissant aux équipes et collaborateurs une vraie autonomie dans l’exécution de leurs tâches et la réalisation des objectifs, en promouvant un esprit de progrès, d’amélioration continue. Cela permettra ainsi de générer des initiatives et des innovations pour l’entreprise qui sont créatrices de valeur.
Victoire: Comment ces enjeux ont-ils été intégrés dans vos pratiques RH ou vos plans de développement des talents ?
Jean: J’ai eu la chance d’évoluer dans une entreprise dont une des valeurs fondamentales était l’esprit de progrès. Cela a permis de développer cette culture d’initiative et d’amélioration continue, propice à la performance d’une part et à l’évolution professionnelle des collaborateurs.
C’est dans un tel cadre que les pratiques RH que j’ai connues se sont développées. Ces dernières années notamment, j’ai constaté l’élaboration de grilles de compétences plus fines sur chaque poste, avec une attention toute particulière portée aux soft skills, notamment pour les profils technologiques.
Elles ont pris une part plus importante que par le passé non seulement dans les différents échanges réguliers entre les managers et les collaborateurs, mais également lors des entretiens d’évaluation et dans les plans de développement professionnels avec de nombreuses formations.
Je crois que dans beaucoup d’entreprises aujourd’hui, il y a sans doute plus de formations disponibles sur des softskills que sur des hard skills, ce qui est totalement logique dans le monde actuel en constante mutation.